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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 17:28

   

 

Lieu : Le domicile de Bernard et d’Annie, après une journée de travail.

Annie (lasse) :

Je sais que ça va mal se finir !

Bernard (rêveur) :

Tu voulais voir se lever le soleil sur la mer, au solstice d’été.

Annie :

Tout ce travail, les ordres, les contre-ordres, les horaires, le téléphone qui ne cesse de sonner, les rendez-vous des chefs. Je suis épuisée.

Bernard :

Tu voulais des arcs-en-ciel sous la pluie, des comètes aux chevelures lumineuses.

Annie : (agressive)

Les machines à écrire détruisent mes rêves et toi tu viens me parler d’arc en ciel !

Bernard : (tendrement)

Dans la machine il y a aussi des rêves. Ce sont tes yeux qui dessinent le monde et non les touches de ton clavier.

Annie : (en martelant ses mots)

Fatiguée, je suis fatiguée, secouée, essorée, éreintée, lessivée, broyée.

Bernard : (résolu)

Je voulais partager tes nuits d’étoiles filantes et maintenant, je vais étendre le linge.

Annie : (vivement)

Tu sais que Christophe a été licencié ?

Bernard :

Elles sont où les pinces ?

Annie : (vindicative)

Oh, arrête avec tes questions stupides. Je te parle du boulot et des soucis et toi tu n’as qu’une préoccupation : savoir où sont les pinces à linge !

Bernard : (en lui souriant)

Ah ! on y arrive !

Annie : (implorant Bernard)

Regarde-moi. J’ai envie de pleurer. Empêche-moi de pleurer. Emmène-moi voir le soleil se lever.

_______

Domi - 12/06/2013 - Stage d'écriture théâtrale avec Pierre Frenkiel à Marseille à l'R de la mer. 

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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 16:45

Silence on bouge. Pas bouger. Regards. Silence, l’œil suit ce mouvement qui erre entre le caoutchouc noir et les murs tout aussi noirs. Ce n’est pas un geste, mais un déplacement, une couleur qui vibre. Et ce sol, peut être lui-même se dérobe-t-il ?

C’est alors que les chaussures rouges s’écrièrent :

Ben voilà, nous sommes seules maintenant, clouées sur le plastique noir. On fait la paire à nous deux, jumelles et pourtant jamais ensemble, toujours en décalage. Et si on sautait à pieds joints pour une fois ? Si on décidait une fois, une seule fois, qu’il y en a marre de ne dépendre que du bon vouloir de deux pieds qui s’engouffrent dans notre abri de cuir ? Si on vivait autrement ?

C’est sur, deux chaussures seules, là dans cet espace si terne, dans leur vibrant rouge vermillon, ça fait tâche.

C’était la chaise noire qui pensait ça. Elle avait quatre pieds mais encore aucune chaussure. Cependant la chaise bougeait aussi, se hissait quelquefois sur un seul de ses pieds, histoire de regarder un peu plus haut, pour voir si l’horizon est un peu plus clair. Le silence aussi bougeait, lentement, comme une respiration. Un temps suspendu.

Tu te souviens : « Oh temps suspens ton vol » ?

Le silence et le temps réunis, main dans la main et tout autour des regards qui en disaient long. Gestes retenus, rapprochements infimes. Je suis l’autre, l’autre c’est moi, qu’importe. Dialogues et bouches cousues. Des silences qui murmurent.

Les chaussures rouges, toujours larguées, trépignaient, orphelines, regardant le fil de ce jour se dévider tranquillement dans les pieds des chaises qui avaient envie de dire :

Et si nous aussi on se croisait les pieds en éventail ?

Silence, on bouge, mais autrement comme si tous ces pieds, ces jambes, ces regards avaient choisi de jouer cartes sur table, à faire le jeu dans sa globalité. Tous ensembles, sinon rien.

Les chaussures rouges s’étaient planquées sous une chaise.

On plonge ?

dirent-elles synchrones.

Il y avait une grosse flaque de vie tout autour d’elles. Elles y sautèrent d’un bond.

Eclaboussure fulgurante, d’un seul jet, sur tout le monde.

Domi – 12/06/2013 - Stage d'écriture théâtrale, avec Pierre Frenkiel à Marseille à l'R de la mer.

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10 juin 2013 1 10 /06 /juin /2013 19:16
 FLYER BLOG P1 001
 
 
 FLYER-BLOG-P2-001.jpg
 
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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 15:48

UN HOMME SIMPLE

 

Ça commence toujours comme ça. La brouette passe en criant : « J’en ai assez de rouler ».

Le balai tout doux avec son chant de paille appose des frôlements légers et chauds, une musique aérienne remplie de soleil, d’odeur de terre féconde qui fait écho à celle qui surgit de la maison de pierres nues, là bas dans l’échancrure de la rue où se dessine la trace d’un haïku, le Canigou, comme le Fuji-Yama.

Un coup à la cloche, celle de la mairie qui compte les 35 heures du cantonnier, du balayeur, du fossoyeur. Attention de ne pas être en retard.

Ça commence toujours comme ça, le rosier plonge sa racine dans la faille entre les pierres, jusque dans les entrailles du village, jusqu’au magma, juste là sous le roc, peut être jusqu’à la mangrove de l’étang.

La couleur bleue du ciel tangue jusqu’à l’eau, se coule sur l’étang, se vrille, se ride, se délite. Là, un scintillement forme une flaque de glace, au cœur de la lagune, puis s’étire, s’allonge, s’évapore dans un mirage.

Le vent de l’Aubrac

Juste une pointe de neige

Sur la joue en feu.

La brouette a mis du feu dans sa roue et Jean-Louis a mis du cœur dans son ouvrage. Il a son front de labeur et des yeux de marécage, d’un brun orangé, avec des étincelles qui se font paillettes lorsqu’il rit.

La brume de mer

Etouffe bruits et peines

Quand il est triste.

Il nourrit son corps creux d’air, d’eau, d’un peu de vase et d’odeur craquante du rivage. Un jour il a marché sur des lambeaux de terre. Il a dit :

« Tiens, la terre a pris son coup de soleil aujourd’hui. »

Ses mains sont imprégnées de la terre où il est né, incertaine, variable, parfois liquide, tantôt desséchée par le vent, tantôt claquante, gluante ou infestée d’insectes.

Cri du goéland

Peut être un enfant en pleurs

Transperce le ciel.

Il s’est arrêté sous l’arche, pas celle du cadran solaire, l’autre, qui s’ouvre sur la baie.

Un frisson, un pas

Frontière du Nord au Sud

Un pas, soupir chaud.

Travailler dehors. Une vie à composer avec les climats, se faufiler entre les mailles des filets qui sèchent dans l’air marin.

Toujours les mêmes

Jours, filets et anguilles

Jamais les mêmes.

« Dis-moi Léon, t’as pêché les anguilles aujourd’hui ? »

Et Léon qui sourit toujours, comme habillé d’algues, dit : « Laisse-moi. »

Il prétend que là bas à l’horizon, il y a la fée de la montagne. Preuve, c’est dur, un morceau de glace aiguisé pour hacher le bleu du ciel.

La brouette se remet à gémir. Jean-Louis s’éloigne.

 

Dominique CABROL - Bages,  26 mai 2013

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 16:07

 

 Orage du temps

C’est le temps des orages. Ce sont les orages du temps. Les traces se gravent au fond des grottes sombres, se peignent, pour qui, pour quoi ?

A quoi bon laisser trace ? L’éphémère règne en maître, efface, évanouit, dissout, émiette, éclate, fracasse, anéantit.

 

Lui, il a mis sa main sur le rocher, il a soufflé de la matière rouge avec un chalumeau. Il a laissé son empreinte, en négatif.

Il est l’homme du néolithique mais le ne sait pas. Il ne sait pas que la grotte sera inaccessible dans des milliers d’années, obturée par la montée des eaux.

Pourtant il dessine des chevaux, il caresse la roche tendre, il grave le calcaire. Un autre cheval plusieurs centaines d’années plus tard sera gravé, tout proche. Le carbone 14 fait foi sur cet espace-temps entre les deux chevaux, qui semblent galoper ensemble.

C’est l’orage du temps et dans mon âme la tornade fait rage. Je reçois la trace du temps avec sidération.

Nous les humains du XXIème siècle, quelle trace laisserons-nous ? Traces de désastre, blessures infligées à notre terre, cloaque, chaos, pensées engourdies par notre arrogance. Nos cavernes sont stériles. Le mythe de la caverne est à réinventer.

Mon ombre froide

S'évanouit, négative

Dans l’odeur du fiel.

GROTTE-COSQUER.jpg

 

 

Domi

25/05/2013 - Bages

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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 15:52
 
Ecrit en atelier avec Claude, le 23 avril 2013. La proposition était : parler d'une attente. Plusieurs mots ont été placés au moment où l'animatrice les as annoncés : trahison, sagesse, réconfort, souris, fleuriste, sereine.
 
La fleuriste et le cheminot
Salle d’attente, gare de Lyon à Paris, soir d’automne sans train bleu. Des pigeons se cognent sous la verrière. Le brouhaha, les sandwichs dans des sacs en papier et des magazines que l’on feuillète distraitement. Le tableau cliquète brutalement et affiche des caractères comme une trahison, inéluctablement. Trop tôt encore pour partir, pour se lever, pour glisser le billet dans l’horodateur. L’attente s’étire ou se recroqueville dans ce no man’s land anonyme. On rêverait presque d’assister à quelque chose d’exceptionnel, un vol, un malaise ou un train qui arriverait trop vite et heurterait la butée, là au bout du quai, à quelques mètres, dans un raclement aigu sur les rails de métal. Mais il n’y a rien que cette pénible attente entre des instants de sagesse et des phases de folie douce.
Elle songea que les salles des pas perdus n’existaient que pour des pas qui ne servaient à rien, qui n’avaient aucun sens, aucune destination. Le tableau cliquetait toujours, la rappelant à ce temps qui se vidait de sa substance sans apporter de réconfort comme le serait l’attente d’un bon café chaud et très sucré.
Elle se rendit compte que rester ainsi dans ce moment flou sans heure ne faisait qu’accroitre son malaise. Elle ferma les yeux, inspira profondément, rouvrit les paupières vers les pigeons au vol mou et court. « Stop, j’arrête ça ! »
Il fallait regarder le monde autrement, voir des souris dans le moindre trou, distinguer des sourires sur les visages impassibles qui dirigeaient le même regard sur le même panneau électronique martelant les noms des gares et des horaires.
Et si tout à coup le panneau lançait un message secret pour la petite fleuriste qu’elle avait vu tout à l’heure, le ventre tout rond de son heureuse attente ? La fleuriste sereine attendait un enfant et attendait autre chose. Le père de l’enfant à naître, cheminot, écrivait sur le panneau noir : « Rose, épouse-moi. »
Une dernière fois le tableau fit défiler ses lignes changeantes. Quai 23. Elle se leva, composta son billet et se dirigea vers le wagon 12, place 46, côté fenêtre. Elle avait 6h30 devant elle. Elle avait le temps d’écrire cette histoire entre la fleuriste et le cheminot. Elle était heureuse.
domi
 
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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 16:13

 

 
               
Atelier proposé par Claude, le 24/03/2013, à la manière des Oulipiens :
 
Ecrire sans utiliser la lettre "I" . Le début est imposé.
36 rue des Orfèvres
Quand elle a vu le voleur détaler, elle pensa « Urgence, la tronche à se remémorer ». Elle alla donc aux poulets, 36 rue des Orfèvres, sure de son geste.
Bonjour Madame, c’est pour un vol ou pour un acte plus grave ? demanda le planton au double menton et à la tête rouge, en sueur, les cheveux plats et secs.
Madame Léger accepta de répondre avec emphase.
C’est pour un vol, vu de mes yeux, vu là bas au carrefour de la rue Debussy et de l’avenue Mozart. Deux hommes cagoulés avec des barres de fer, pas d’arme blanche, pas de colt ou de revolver, pas de kalach. Juste des barres de fer.
Avez-vous le moyen de nous crayonner leur face sur un carnet blanc ?
Sure que je peux. Les beaux-arts c’est mon rayon. Alors elle commença : des yeux très gros, hors de l’arcade, l’un vert, l’autre marron. Je parle du plus grand, vêtu en jean et avec un pull rayé bleu et blanc, un polo de matelot et des chaussures à scratch. Faut comprendre, ce genre de godasses, je déteste. Alors, c’est à cause de ça que ça m’a frappé.
Bravo Madame Léger, vous avez un don pour observer. Et l’autre, quelle allure ?
Alors voyons… Elle rassembla ses neurones en quelques secondes et raconta.
L’autre … des frusques sales, une veste marron, un pantalon tout tâché. Du gras je pense. Des mèches sortant de sa cagoule, bondes et longues, cheveux gras. Une odeur nauséabonde de garçon à ne pas abuser de douches. Vous voyez, ou je vous parle de cette odeur nulle l’enveloppant ?
Ça va aller. Super !
Ecrire la suite, uniquement avec des mots commençant par M (saufs les mots de liaison).
Magnifique ! Alors voilà comment j’ai maté le matelot. Je l’ai massacré ! Il avait mal, il marmonnait, il maugréait, il mangeait ses mandibules.
Mais, Madame Léger, avec quelle massue ?
Madame Léger magnanime :
Avec mon maléfique miroir en métal qui miroite sous mon mouchoir. J’ai montré le miroir au marin en miaulant « Mire-toi dans ce miroir. Tu mourras de mater ta mine minable. »
Le matelot au mauvais mental a été tout marri. Il a montré son magot et a bien malhabilement menti.
« C’est pas moi, c’est Maurice » en montrant le malabar qui se mouchait dans la manche de son manteau marron. L’autre minable murmura que c’était moche de le mettre à mal, lui, un magnat mafioso, magouilleur, maestro des magnétoscopes.
Mais le miroir ?
Malchance ! En miettes ! Comment me maquiller maintenant ?
Madame Léger minaudait, ses mains manifestement manucurées, mascara mauve et mine de mannequin, mamelons moelleux et mini jupe maintenue bien haute par miracle, loin des mocassins.
C’est la misère, murmura-t-elle.
Le Major malmena sa main-courante, mécontent de son malaise de mâle malhabile. Maladroitement, il fit mousser sa moustache :
Madame …. marions-nous.
Il était merveilleusement maboul.
 
 
Domi 
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27 avril 2013 6 27 /04 /avril /2013 12:02

 

Le 22 juin 2013, une proposition :

"Faites des écrits" dans le

Jardin Antique Méditerranéen de Balaruc-les-Bains (Hérault).

Pour l'instant retenez la date. Des informations plus complètes sur les divers ateliers organisés par un collectif d'associations et sur les modalités d'inscription seront communiquées.
N'hésitez pas à en parler autour de vous. Les ateliers sont ouverts à tous.
Domi
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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 15:18
Au coeur de la nuit l'étrave des flamants roses fend l'obscurité et ensemence le ciel d'étoiles puis disparaît en longs filaments de méduse, au delà du noir.
Domi
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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 15:15

 

Dans le chapeau, les mots venus de loin

 

Il a posé son chapeau sur la fenêtre. Il pleut et les gouttes viennent se blottir dans ce nid creux et chaud, tout imprégné de sa sueur, de l’odeur de ses cheveux, de la saveur de ses pensées fulgurantes, coups de foudre sous son crâne dégarni, sans cachet. Il a gardé la fenêtre ouverte, laissant le bouquet des gouttes apporter les senteurs de lilas. Il est dans son atelier, là bas tout au fond du jardin, un lieu unique, sans vis-à-vis, lieu que vous ne connaîtrez jamais, protégé des autres, à l’abri du monde. Voilà, c’est ainsi. Il ne fait équipe avec personne mais ça vous vous en doutiez déjà. Il a oublié son chapeau sur la fenêtre et maintenant regarde sa récolte. Chaque goutte a connu sa métamorphose. Ces flots sont à présent des mots qui viennent de loin, au-delà des nuages qui se chargent de sable rouge ou bien d’ailleurs où les gouttes sont des cristaux blancs et légers. Il y a aussi ceux qui se sont accrochés aux montagnes des Andes et qui dévalent sur les pentes en filaments impalpables.

Il a pris les mots de son chapeau dans ses deux mains, les a porté à son visage, les a respiré, en a baigné ses yeux fatigués, durant des heures. Il a attendu que le jour nouveau se lève en lui sans faire appel à son savoir-faire. Il a laissé les mots instiller leur émotion en lui. Les mots ne ressentent rien pensez-vous. Laissez-vous aller pourtant. Essayez au moins une fois.

Les mots doux semés ne récoltent-ils pas l’amour ? Les mots de haine ne suscitent-ils pas l’assassinat ? Il a laissé les mots labourer librement la langue.

Et puis l’eau du chapeau s’est mise à déborder, l’inondant d’une sensation nouvelle. Il se sentait comme un artiste funambule dansant sur sa corde dans l’équilibre fluctuant de son poème. Sous lui affluaient les hommes qui apportaient des échos neufs. Il sentit leur souffle. Si fort qu’il tomba et se retrouva parmi eux. Il n’était plus seul.

Domi

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